Le Sommet sur l’enseignement supérieur en Afrique : revitaliser l’enseignement supérieur pour l’avenir de l’Afrique

Un sommet continental de trois jours sur l’enseignement supérieur se tient dans la capitale sénégalaise de Dakar du 10 au 12 mars 2015. Ce sommet, organisé sous l’égide de l’organisation panafricaine Trust Africa, tentera de créer un mouvement réunissant des organisations partageant la même vision pour transformer le secteur de l’enseignement supérieur africain. Les onze autres partenaires impliqués dans l’organisation et la gestion du sommet incluent la Commission de l’Union africaine, l’Association des universités africaines, le CODESRIA – Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales, l’Institut africain de développement économique et de planification des NU, la Fondation nationale pour la recherche d’Afrique du Sud, la Banque africaine de développement, la Carnegie Corporation de New York, la Fondation MasterCard, la Banque mondiale et l’ADEA. Le gouvernement du Sénégal accueille le Sommet.

Selon les onze organisateurs de ce sommet, cette réunion de haut niveau devra : 1. Constituer un groupe en vue de la transformation de l’enseignement supérieur africain et de l’investissement dans ce secteur ; 2. Créer une vision partagée pour l’avenir de l’enseignement supérieur africain ; 3. Soutenir les efforts et les initiatives exemplaires dans l’enseignement supérieur africain et les mettre en lumière ; 4. Mobiliser les efforts et les interventions disparates dans l’enseignement supérieur africain ; et 5. Stimuler et soutenir l’innovation dans l’enseignement supérieur africain.

Le sommet recueillera les points de vue d’un échantillon d’habitants de l’Afrique. Environ 500 participants prendront part au sommet, parmi lesquels des décideurs politiques, des chefs d’entreprise, des chercheurs, des leaders de la société civile et d’autres parties prenantes qui reconnaissent le caractère central de l’enseignement supérieur pour le développement national, en particulier en ce qui concerne la transformation sociale et économique. Les organisateurs du sommet réalisent à quel point l’enseignement supérieur en Afrique est devenu le principal moteur de l’amélioration du niveau de vie, du développement économique et de la construction de la cohésion nationale. Ce sommet constituera par conséquent une plateforme unique permettant aux parties prenantes de déterminer collectivement la voie à suivre, tout en reconnaissant les problématiques nationales, en préservant les identités nationales et en soulignant la nécessité de l’intégration régionale pour un avenir meilleur en Afrique.

Le sommet devra se pencher sur les questions relatives à la gouvernance du secteur de l’enseignement supérieur en Afrique. Les participants devront aussi débattre des questions relatives à l’innovation et l’harmonisation des politiques à travers le continent tout en s’intéressant aux enseignements tirés des processus en œuvre dans d’autres régions du monde. Citons parmi les autres sujets la hausse considérable du nombre des établissements d’enseignement supérieur qui s’explique principalement par la demande accrue résultant des investissements effectués par les gouvernements africains dans les enseignements primaire et secondaire, et l’accroissement de l’investissement privé résultant des politiques visant à réduire le rôle de l’État dans l’enseignement supérieur. Mme Aicha Bah Diallo, ancienne ministre de l’Éducation de la République de Guinée et actuelle présidente de Trust Africa a brièvement exposé ces questions dans l’entretien qu’elle a accordé à notre News Journal (voir l’Interview).

Selon M. Tendai Murisa, directeur de Trust Africa, l’un des points de plaidoyer de ce sommet sera de s’assurer que l’enseignement supérieur africain est inscrit en tête de l’agenda de l’Union africaine, ce qui garantira que les gouvernements nationaux redéfinissent l’ordre de priorité de leurs interventions dans ce sous-secteur.

On attend du sommet qu’il soit le déclencheur d’une action qui ira bien au-delà des journées de délibérations.

Depuis les indépendances des années 1960, les gouvernements, en particulier en Afrique subsaharienne, ainsi que les institutions partenaires de développement, ont mis un accent plus fort sur les enseignements primaire et secondaire dans les programmes de développement nationaux. L’enseignement supérieur n’a pas reçu l’importance qu’il mérite et il a été quelque peu négligé, même si beaucoup auraient reconnu qu’il était un moyen supplémentaire d’améliorer la croissance économique et d’atténuer la pauvreté.

Néanmoins, les quatre décennies écoulées ont vu l’accès à l’enseignement supérieur s’étendre à un rythme sans précédent, et les inscriptions dans l’enseignement supérieur ont augmenté plus rapidement en Afrique subsaharienne que dans n’importe quelle autre région du monde. Les femmes ont été les premières à en profiter dans presque toutes les régions du monde. Les chiffres de l’institut de statistique de l’UNESCO (ISU) indiquent que malgré l’inscription dans le supérieur de moins de 200 000 étudiants dans la région Afrique en 1970, ce nombre a explosé pour atteindre plus de 4,5 millions en 2008 – une augmentation de plus de 20 fois. En effet, le taux brut de scolarisation (TBS) dans l’enseignement supérieur a crû en moyenne de 8,6 % chaque année entre 1970 et 2008 – comparé à la moyenne mondiale de 4,6 % pendant la même période. Ce taux a dépassé la croissance démographique de la tranche d’âge appropriée dans la région.

Contrairement aux tendances mondiales, les femmes restent désavantagées en matière d’accès à l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne.

Les derniers chiffres de l’ISU indiquent que le TBS du supérieur des femmes en Afrique subsaharienne s’élève à 4,8 %, comparé à 7,3 % pour les hommes. Toutefois, la région a accompli des progrès importants vers la parité entre les sexes dans les années 1990. Les femmes en Afrique subsaharienne continent d’être confrontées à des obstacles importants pour accéder à l’enseignement supérieur dans les pays qui ont les niveaux les plus bas de richesse nationale. Les chiffres de l’ISU montrent également que ces pays dont le PIB par habitant est inférieur à moins de 1 000 US$ ont des indices de parité entre les sexes (IPS) assez bas, allant de 0,31 à 0,51. Il faut par conséquent étudier l’égalité entre les sexes à la lumière du niveau général de participation à l’enseignement supérieur. Les pays doivent aborder les inégalités entre les sexes au moment où ils tentent d’élargir l’enseignement supérieur à tous les étudiants, indépendamment de leur sexe.

Les systèmes d’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne ne disposent pas des ingrédients nécessaires pour absorber la demande croissante découlant de l’accès plus large à l’enseignement secondaire.

Par exemple, en 1999, le TBS du second cycle du secondaire de la région s’élevait à 19 %, ce qui était presque cinq fois plus élevé que le taux de l’enseignement supérieur (4 %). En 2008, le TBS du supérieur atteignait 6 %, contre 27 % pour le second cycle du secondaire. À l’échelle mondiale, le TBS du second cycle du secondaire est juste le double de celui du supérieur. Les grands écarts entre les deux taux – TBS du second cycle du secondaire et du supérieur – indiquent qu’il y aura de nombreux élèves achevant le second cycle du secondaire qui seront éligibles à l’enseignement supérieur, mais qui n’y auront pas accès. Au niveau politique, on peut s’attendre à des pressions supplémentaires pour étendre le système d’enseignement supérieur, afin de satisfaire la demande croissante.

Il existe aussi plusieurs contraintes en matière de ressources et il est extrêmement difficile pour de nombreux pays d’obtenir le financement adéquat pour l’enseignement supérieur.

Beaucoup d’entre eux ont des options très limitées pour obtenir des ressources supplémentaires. Par rapport aux premiers niveaux de la scolarité, les dépenses publiques affectées à l’enseignement supérieur sont démesurément élevées dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Par exemple, selon l’ISU, les dépenses publiques du Burkina Faso par élève du secondaire s’élèvent jusqu’à 30 % du produit intérieur brut (PIB) par habitant, tandis que les dépenses de l’État pour un étudiant du supérieur sont 10 fois plus élevées et s’élèvent à 307 % du PIB par habitant. Ceci suggère que les ressources publiques sont très concentrées sur un nombre relativement faible d’étudiants.

Il reste encore un nombre important d’étudiants d’Afrique subsaharienne qui poursuivent leurs études à l’étranger.

Les chiffres de l’ISU pour 2008 révèlent qu’environ 223 000 étudiants d’Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur hors de leur pays d’origine. Ils représentaient 7,5 % du nombre total des étudiants mobiles (3 millions) du monde entier. De plus, le nombre d’étudiants mobiles d’Afrique subsaharienne représentait 4,9 % des étudiants inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur nationaux de leur pays d’origine, ce qui était presque trois fois plus élevé que la moyenne mondiale (1,9 %).

Les étudiants d’Afrique subsaharienne mobiles à l’international ont des destinations diverses. Environ un quart d’entre eux étudiait dans un autre pays de la même région (55 000 sur 223 200) en 2008. L’Afrique du Sud a accueilli à elle seule 21 % des étudiants mobiles de pays de la région. Malgré cette tendance, environ deux tiers ou 65,1 % des étudiants mobiles de la région étudiaient en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest.

Ce sommet devra aborder ces questions ainsi que d’autres qui sont restées en suspens ces dernières décennies dans l’enseignement supérieur africain. Elles incluront également les questions touchant à la qualité qui est un domaine essentiel pour la revitalisation de l’enseignement supérieur dans la région. Citons également la question du renforcement des capacités des établissements d’enseignement supérieur pour répondre aux nombreux besoins d’enseignement supérieur des pays africains. Le sommet doit déboucher sur un agenda convenu pour promouvoir des formes novatrices de collaboration. Il doit aussi veiller à ce que la qualité de l’enseignement supérieur soit systématiquement améliorée de façon à être conforme à la norme, aux critères consensuels d’excellence, ce qui facilitera la mobilité des diplômés et des universitaires à travers le continent.